aidants

Qui sont les salariés aidants ? Un phénomène d'ampleur et un rôle méconnu

Par LES APÉRETTES

Un proche aidant est défini comme une personne qui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne d'une personne en perte d'autonomie (du fait de l'âge, de la maladie ou d'un handicap). Ce soutien est souvent apporté à un conjoint, un parent, un enfant, ou même un ami ou un voisin entretenant des liens étroits et stables.

Quelques chiffres clés illustrent l'ampleur du phénomène :

  • On estime entre 8 et 11 millions de proches aidants en France, certains chiffres allant jusqu'à 15 millions, soit environ un Français sur six.
  • La majorité de ces aidants sont actifs professionnellement, représentant 61% à 70% d'entre eux. Cette proportion devrait atteindre un salarié sur quatre d'ici 2030.
  • Les aidants sont majoritairement des femmes (57% à 60%) et leur âge moyen varie entre 42 et 49 ans, l'aidance débutant souvent autour de 33 à 35 ans.
  • L'aide apportée est diverse : soutien moral (64%), aide aux activités domestiques (59%), accompagnement aux déplacements (49%), surveillance, coordination des soins et gestion administrative. Le temps moyen consacré à cette aide est de 8,6 à 9,8 heures par semaine, l'équivalent d'une journée de travail.

Des impacts profonds sur la vie des aidants :

Le rôle d'aidant, bien que source de satisfaction et de renforcement du lien affectif, entraîne de nombreux défis. La charge mentale est élevée (57% des salariés aidants se disent en difficulté) et s'accompagne souvent de fatigue morale, stress, troubles du sommeil et douleurs physiques. Près de 40% des aidants en santé mentale peuvent se sentir en dépression.

Sur le plan professionnel, 75% des salariés aidants estiment que leur rôle a un impact négatif sur leur vie professionnelle, avec des difficultés à concilier les deux vies, des absences imprévues, et la crainte de perdre leur emploi ou de voir leur carrière freinée. Malgré cela, de nombreux aidants perçoivent le travail comme un lieu de répit et de sociabilité, une échappatoire et une source d'identité sociale.

Un défi majeur est la difficulté à se reconnaître comme aidant (52% des aidants ne s'identifient pas spontanément comme tels) et la réticence à en parler à leur employeur. Seulement 25% à 29% des salariés aidants informent leur entreprise de leur situation, souvent par peur de la stigmatisation ou de conséquences négatives sur leur carrière.

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Comment l'entreprise peut-elle accompagner ses salariés aidants ? Une démarche bénéfique pour tous

L'engagement des entreprises pour leurs salariés aidants n'est pas qu'une question de responsabilité sociale (RSE) ou de qualité de vie au travail (QVCT) ; c'est aussi un levier de performance collective, de fidélisation des talents et d'attractivité. L'inaction coûte d'ailleurs plus cher que l'action, une conviction partagée par 79% des DRH.

Voici les axes majeurs d'intervention pour les entreprises :

  1. Informer et Sensibiliser : Créer un environnement de confiance
    • Diffuser des informations claires et précises sur les droits (légaux et internes à l'entreprise) et les dispositifs d'aide existants. Cette information est un besoin prioritaire pour les aidants.
    • Sensibiliser l'ensemble des collaborateurs, y compris les managers et les RH, à la réalité de l'aidance et à ses impacts. Des webinaires, des articles, des témoignages et des ateliers peuvent aider à déconstruire les préjugés et à normaliser la situation.
    • Mettre en place des plateformes d'information et d'orientation personnalisées, car 79% des salariés aidants y sont favorables.
  1. Mettre en place un réseau de "Référents Aidants"
    • La désignation d'un salarié référent aidant interne est perçue comme une solution efficace par 74% des salariés aidants et 77% des partenaires sociaux.
    • Le rôle du référent est d'écouter, d'informer, d'orienter vers les parties prenantes compétentes (services de santé au travail, service social, psychologue) et de contribuer à la sensibilisation. Ils agissent comme un "phare" ou une "vigie".
    • Les référents sont des volontaires, formés et soutenus par une communauté (réunions régulières, partage d'expériences, outils) pour garantir la qualité de leur intervention et le respect de la confidentialité. Certaines missions sont explicitement exclues de leur périmètre, comme le traitement de dossiers administratifs complexes ou la gestion de données personnelles sensibles.
  1. Offrir de la flexibilité et des solutions de répit
    • Les aménagements du temps de travail (horaires flexibles, télétravail, temps partiel) sont le besoin prioritaire des aidants.
    • Proposer des congés spécifiques : congé de proche aidant, congé de solidarité familiale, congé de présence parentale, et le don de jours de repos. Certaines entreprises comme la Banque Populaire Val de France offrent 5 jours de congés supplémentaires par an.
    • Développer des solutions de répit pour l'aidant (accueil de jour, hébergement temporaire, baluchonnage/relayage à domicile, séjours vacances). Ces solutions permettent à l'aidant de souffler et de s'occuper de lui, tout en assurant une prise en charge adaptée du proche aidé.
  1. Soutenir financièrement et pour la santé
    • Informer sur les aides financières légales (Allocation Personnalisée d'Autonomie - APA, Prestation de Compensation du Handicap - PCH, Assurance Vieillesse du Parent au Foyer - AVPF).
    • Mettre en place des aides complémentaires extra-légales : mutuelles et caisses de retraite peuvent proposer des dispositifs d'aide financière ou de soutien psychologique. Des fonds de solidarité (abondés par les salariés et/ou l'entreprise) peuvent financer des "coups durs" ou des frais spécifiques liés au handicap ou à la maladie.
    • Proposer un soutien psychologique (lignes d'écoute, psychologues du travail) et des actions de prévention santé (bilans de santé, ateliers bien-être).
  1. Reconnaître les compétences développées par l'aidance
    • Les aidants développent des "soft skills" (compétences transverses) précieuses pour l'entreprise, souvent exacerbées par les difficultés de la vie. Il s'agit notamment de la gestion du temps et des priorités, des compétences relationnelles (empathie, écoute active, communication efficace), de la prise de décision et de la gestion du stress et des problèmes complexes.
    • Ces compétences devraient être davantage reconnues et valorisées au sein de l'entreprise, par exemple lors des entretiens annuels ou des revues de talents. La VAE (Validation des Acquis de l'Expérience) est un moyen de faire valoir ces compétences, notamment pour l'accès aux métiers du lien.

Enfin, des initiatives comme le Label Cap'Handéo "Entreprise engagée auprès de ses salariés aidants" offrent un cadre structurant et un accompagnement concret aux entreprises souhaitant s'engager sur le long terme pour leurs salariés aidants.

En adoptant une approche globale et bienveillante, les entreprises peuvent transformer le défi de l'aidance en une véritable opportunité, en créant un environnement de travail plus inclusif, résilient et performant pour tous.