SADIA DROUCHE

Interview de Sadia Drouche, coache de la différence et de la résilience / Conférencière / Consultante experte en handicap

Par LES APERETTES

Sadia Drouche, Coache de la différence et de la résilience / Conférencière / Réferente Handicap ~ Consultante experte en handicap, répond à nos questions pour notre formation Changer le regard des collaborateurs sur le handicap.

Eve :
Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ?

Sadia :
Je suis Sadia Drouche. Je suis née avec une maladie orpheline dégénérative. J'ai dû gérer ma vie personnelle, mais aussi professionnelle, en fonction de mes « pannes d'organes ». J'ai subi 2 greffes rénales, je suis devenue diabétique, je souffre de problèmes musculaires et j’ai ensuite perdu la vue, il y a 7 ans.
C’est en devenant malvoyante, il y a 7 ans, que je suis passée du handicap invisible au handicap visible.
J'ai travaillé pendant 15 ans dans le domaine socioculturel auprès d’adolescents, en tant qu’animatrice et j’adorais ce métier. Quand j'étais jeune, j'ai été tellement rejetée à l'école que j’ai voulu à mon tour, en tant qu'adulte accompagner les adolescents à accepter leurs différences, à lâcher prise et à faire de leur différence une force.

Eve :
A quel moment avez-vous déclaré votre RQTH ?

Sadia :
J'ai toujours annoncé que j'étais RQTH. Je ne l’ai jamais caché, mais je n’ai pas toujours donné tous les détails de ma maladie.
Je me suis toujours dit « Je suis handicapée, mais tant que ça ne se voit pas, je donne tout ».
En revanche, lorsque je suis devenue malvoyante, j’ai dû me mettre en long arrêt maladie car je ne pouvais plus rien faire.
Je suis devenue complètement dépendante. Mes parents, mes sœurs, mes amis m'ont accompagnée, mais je devais tout réapprendre, comme marcher dans la rue avec une canne, mais aussi réapprendre les actes du quotidien pour faire autrement.
J’ai décidé d’avancer étape par étape. La première étape a été de prendre des cours auprès d’un instructeur de locomotion pour apprendre à marcher avec une canne, prendre le bus, le métro… Et pendant 1 an et demi, j’ai tout réappris, j’ai repris confiance et surtout j’ai lâché mes peurs.
Malheureusement, au moment où je me suis sentie prête à reprendre le travail, en 2017, je me suis fait licencier pour inaptitude et une reconversion professionnelle s’est avérée nécessaire.
Pendant un an et demi, lors de mon long congé maladie, j'ai écouté beaucoup de podcasts et de conférences sur la confiance en soi. Je me suis beaucoup nourrie de ces sujets-là et c’est ce qui m’a décidé à me lancer dans le coaching. Je me suis dit « Une porte se ferme, mais une autre s'ouvre ».
J’aime communiquer, accompagner de façon bienveillante et aider les autres à se sentir mieux. En devenant malvoyante, il a fallu que je me reconstruise, que je change d'état d'esprit et que je travaille sur moi. Et j’ai eu envie de partager mon parcours et mon apprentissage via cette expérience.
Après avoir interrogé plusieurs de coachs, j’ai décidé de me former.
L’école Coach Academy, a relevé le challenge en adaptant tous ses cours pour les malvoyants. Ainsi, j’ai pu recevoir une formation de 19 mois avec une certification RNCP.

J’ai lancé mon activité en 2018. Mes domaines de prédilection sont la résilience, la confiance en soi, la connaissance de soi et l'écoute du corps. Je m’adresse à toutes les personnes ayant subi des traumas, des chocs émotionnels et qui veulent avancer différemment dans leur vie.
Par exemple, je travaille pour « Rencontre et Voir », une agence matrimoniale pour les cinquantenaires. J’œuvre sur des thèmes particuliers comme l’amour et la confiance, en donnant des clés pour savoir comment communiquer, comment lâcher prise, se débarrasser de ses croyances…
En entreprise j’aborde aussi les thématiques de la confiance en soi et la cohésion d'équipe.
J’anime également 3 conférences :
- La résilience, une alchimie interne
- Faire de sa différence une force
- Et si la confiance était déjà là ?

Dans mes conférences, je parle beaucoup de mon expérience personnelle. Je raconte notamment comment j'ai réussi à transformer les choses dans le domaine de la résilience et comment j'ai gardé cette croyance que tout était possible.
Je suis également référente handicap, et dans ce cadre, j’effectue des missions dans des entreprises. J’accompagne des salariés lors de leur prise de poste afin de faciliter leur intégration.
J’accompagne aussi les personnes qui vont être licenciées pour inaptitude. Je les aide à encaisser le coup, mais aussi à réfléchir à une potentielle reconversion professionnelle...

Sadia Drouche avec son chien

Eve :
Qu’est-ce qui selon vous est important de faire pour bien intégrer une personne en situation de handicap dans une équipe ?

Sadia :
Avant toute chose, il faut demander quels sont les besoins de la personne et en tenir compte.
Ensuite, il est important de respecter le choix du salarié. Il peut être RQTH mais ne pas souhaiter divulguer son handicap, c’est son choix.
Parler de la situation de handicap du collaborateur sans son accord est une grave erreur.
C’est à la personne concernée de décider ou non de faire la.
Je conseille aussi de demander au futur collaborateur comment il souhaite que se fasse l'accueil au sein du groupe. Est ce qu'on l'accueille comme n'importe quel salarié ou a-t-il besoin d'un accueil spécial ?

Eve :
Quels freins peuvent avoir les salariés lors de l’intégration dans leur équipe d’une personne en situation de handicap ?

Sadia :
Je dirais tout d’abord la peur.
Le handicap rappelle la peur de la maladie, la peur de la mort. C'est pour cela que les gens ont peur aussi du handicap. Ils ne veulent pas que ça leur arrive.
Lors de l'accueil d'une personne malvoyante, d'une personne sourde ou d'une personne en fauteuil roulant… une véritable adaptation de poste va être nécessaire. Et il va aussi falloir que ses collègues s'adaptent. Cette nouvelle personne va changer la routine de tout le monde.
Mais il s’agit juste d’une manière différente de travailler qui ne va pas donner plus de travail aux équipes.
La communication des besoins est primordiale pour trouver la stabilité et faire en sorte que tout le monde soit à la même hauteur. Grâce aux aménagements de poste, la personne sera au même niveau que les autres collaborateurs et il n’y aucune raison pour qu’elle ralentisse le travail de l’équipe.
Les peurs, à force d'être répétées, deviennent des croyances.
Pour déconstruire ces croyances, il faut parler non pas de handicap, mais de particularité. Tout le monde peut être dans cette situation, et cela n’a rien à voir avec le fait d’être malade ou pas.
Par exemple, si vous travaillez en équipe avec un collègue (qui ne souffre d’aucun trouble) mais qui n’a pas les compétences requises, ou qui n’est pas motivé... Que va-t-il se passer ? Vous allez devoir travailler plus pour compenser … Vous allez vous sentir en situation de handicap car votre collègue est incompétent. Ce qui veut dire que ce n'est pas dans le corps le handicap, ce n'est pas dans le savoir-faire, mais c'est la situation qui est handicapante.
Vous mettez une personne en fauteuil roulant au niveau d'un métro face à des escaliers, forcément, il ne peut pas descendre. Vous lui mettez un ascenseur à côté, il n'y a plus de handicap.

Eve :
Donc une personne qui a les compétences requises sera au moins aussi compétente que les autres collègues avec l'aménagement fourni. C’est ce que vous voulez dire ?

Sadia :
Non car il faut voir l'aménagement comme un outil supplémentaire qui va aider la personne parce que l'environnement n’est pas adapté et parce qu'il n'est pas pensé pour la personne en situation de handicap.
Par exemple une maman qui pousse une poussette et tient un enfant par la main. Si une voiture est sur le trottoir et que c’est le seul endroit où elle peut passer, elle se retrouve en situation de handicap !
Que l’on soit valide ou malade, c'est pareil, on est tous à un moment donné dans une situation dans laquelle on se retrouve bloqué.
Et j’ai remarqué aussi que certains aménagements mis en place pour les personnes en situation de handicap aident et améliorent les conditions de travail des valides.

Eve :
Vous avez des exemples à partager ?

Sadia :
Initialement, les rampes en entreprise ont été installées pour les personnes en fauteuil roulant ou les personnes ayant du mal à marcher. Et maintenant toute personne qui a une petite blessure par exemple, utilise la rampe plutôt que les escaliers.
Chez ARACT, par exemple, on a réhaussé les dossiers pour qu’une personne qui ne pouvait pas se baisser puisse les attraper à hauteur de bras. Finalement on a fait ça dans tous les bureaux pour que tout le monde puisse en profiter.
Un autre exemple : j’ai coaché une personne ayant subi une arthrodèse (opération des lombaires). Elle a intégré une entreprise, et pour son aménagement de poste, son entreprise lui a fourni un siège adapté avec un creux pas trop gros au niveau des lombaires et un porte tête à rebords.
Et finalement, beaucoup de personnes dans l’entreprise l'ont également adopté, alors qu’ils étaient valides.
Pour partager un dernier exemple, je pense au porte-souris. Il existe de petites adaptations permettant de maintenir le poignet en hauteur afin d’éviter les raideurs et les tendinites dans le poignet.
Au début, ces portes-souris ont été mises en place pour des personnes en situation de handicap et maintenant, beaucoup de collaborateurs les utilisent.

Eve :
Quel conseil donneriez-vous à un collaborateur en cas de maladresse ?

Sadia :
On a tous le droit le droit à l’erreur, tout le monde peut faire des boulettes. Moi, je suis malvoyante, ça m’arrive souvent et j’en rigole. Même mes amis de longue date savent que je suis malvoyante et ça ne les empêche pas aujourd'hui encore de me dire « Regarde ça ! ».
Pour pouvoir en rire il faut aussi que la personne en situation de handicap ait accepté son handicap.
Si on fait une remarque qui peut blesser la personne qui est dans la situation de handicap, il faut savoir s'excuser. Savoir s'excuser en disant « Excusez-moi, je ne pensais pas que ça pouvait vous blesser. » ou « Désolée, je ne suis pas encore habituée. »

Eve :
Avez-vous un message à faire passer ?

Sadia :
J'ai 42 ans, 42 ans de maladie, 42 ans de difficultés, de pertes, de deuils…
Parce que j’ai dû faire un deuil lorsque mes reins ont cessé de fonctionner, puis lorsque mon pancréas a cessé de fonctionner, j’ai aussi fait un deuil lorsque j’ai cessé de pouvoir boire comme avant… je dois limiter ma consommation d’eau.
Je ne suis pas handicapée, je suis différente.
Même avec la souffrance, mon parcours m'a aidée à devenir la personne que je suis aujourd'hui. Ce parcours m'a aidée à être déterminée, à avoir confiance en moi et en la vie. C’est grâce à ce parcours que je partage cette vision. Je dis bien « grâce » parce que, sans tout ce que j’ai connu, je ne serais pas devenue cette personne.
Il faut croire que tout est possible, voilà mon message.
Pour tous ceux qui sont en situation de handicap et qui se disent qu'ils n’ont pas d'avenir, Il y a des solutions, des bonnes personnes à aller voir, des personnes qui ont des compétences pour les aider à trouver et à débloquer ce qui doit être débloqué pour enfin vivre sans ces freins.

Eve :
Est-ce que l’on peut vous suivre quelque part ?

Sadia :
Oui, j’ai une chaîne YouTube, je suis sur Instagram, Facebook. Je suis la malvoyante la plus visible sur Internet.
Vous pouvez y aller.


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