+Portrait 2021 MH_@Gilles Piel

Interview de Maya Hagege, déléguée générale de l'AFMD.

Par LES APERETTES

Maya Hagege déléguée générale de l'Association Française des Managers de la diversité travaille depuis plus de 12 ans sur les questions liées à la diversité.
Elle répond à nos questions pour Changer le regard des managers sur la handicap.

Eve:
Pouvez-vous vous présenter, vous et l'AFMD ?

Maya :
Je suis Maya Hagege, la déléguée générale de l'Association Française des Managers de la diversité. L’Association est un collectif, une communauté d'employeurs qui rassemble aujourd'hui 180 employeurs de toutes tailles et qui a pour objet d'accompagner ces employeurs et de leur donner des outils pour prévenir les discriminations, manager la diversité et mettre en place des politiques d'inclusion dans le milieu professionnel.
L’équipe regroupe huit personnes et mon rôle consiste à écouter, accompagner et co-construire avec la gouvernance la stratégie de l'association. Je supervise nos activités, je manage l’équipe opérationnelle et je suis en charge du développement et de la visibilité de l'association.
Notre raison d'être et nos méthodologies nous différencient.
Tout d’abord, nous ne travaillons pas directement avec le public, mais nous collaborons avec des employeurs qui eux, vont ensuite mettre en place des actions.
Ce sont les responsables diversité qui nous font part de situations vécues et c’est à travers leur regard et les remontées qu’ils nous font, que l’on comprend ce qui se passe sur le terrain.
Ensuite, nous allons, dans toutes nos actions apporter le recul de la recherche. Nous allons pour cela travailler avec des enseignants-chercheurs pour échanger sur les sujets clés, pour qu’ils nous apportent une analyse, ou pour qu’ils pour construisent et produisent avec nous des outils.
Personnellement, j’ai intégré l’AFMD il y a presque douze ans. Le handicap a été l'un des premiers sujets que j'ai portés dans l'association, notamment la question de développement de carrière des personnes en situation de handicap qui, à l'époque (en 2012) était un sujet où il y avait très peu de matière.

Eve :
Quels sont, selon vous, les meilleurs arguments pour convaincre les managers de recruter des personnes en situation de handicap, selon vous ?

Maya :
C'est assez simple, les politiques diversité recouvrent énormément d'enjeux.
Parmi ces enjeux, il y a tout d’abord la responsabilité de l'entreprise, qui consiste à assurer et garantir la santé et la sécurité des salariés.
Et ensuite, il y a le sujet de la discrimination, le fait de ne pas exclure.

Donc pour moi, le manager doit adopter 4 postures :
- Une posture de vigilance : le manager doit être vigilant parce que son rôle, sa mission propre est justement de rendre effective cette garantie de santé et de sécurité. Ce rôle de vigilance se fait aussi bien dans son travail à lui que dans la façon dont il va gérer son équipe et les relations au sein de son équipe.
- Une posture d’exemplarité : cette posture, inhérente au manager doit se faire aussi bien sur la lutte contre les stéréotypes, c'est-à-dire ne pas véhiculer lui-même des stéréotypes sur ses collaborateurs, mais aussi être exemplaire sur la façon dont il va les intégrer et les faire travailler comme n'importe quel autre salarié. Il doit montrer quelles sont les compétences qu'ont ces personnes et pourquoi elles sont dans l'équipe. Au lieu de parler de comment compenser ce qu'elles n'apporteront pas, il doit mettre en avant les compétences qu'elles apportent.
- Une posture pédagogique : par l’explication, la logique, le dialogue et surtout la répétition
- Une posture de vigilance à la sanction : parce que sans sanction, il n'y a pas d'exemplarité. C’est un sujet assez brûlant, la sanction pour les managers.On demande à des managers de décliner la politique de l'entreprise, en leur donnant des outils, des checklists et des pense-bêtes. On va parfois les former… Mais en réalité, à aucun moment on va les évaluer sur ce sujet-de la gestion du risque discriminatoire ou le management de la diversité. À aucun moment on va reconnaître ce qu’ils font ou ce qu'ils ne font pas, aussi bien pour eux en tant que manager que pour leurs équipes. Sanctionner une personne de l’équipe en cause pour harcèlement ou discrimination par exemple n’est pas commun parce que généralement quand on fait remonter les difficultés, on est mal jugé en tant que manager. « On n’a pas empêcher cette situation d’arriver ».
Le rôle du manager, c'est de régir les règles qui sont établies dans son équipe. Donc selon moi, le manager doit mettre en œuvre l'environnement nécessaire pour faciliter les remontées des personnes de son équipe victimes de discrimination, d’exclusion, de blagues … Mettre des sanctions est nécessaire pour limiter ce type de comportement.
Et évidemment, je pense que le manager est garant des valeurs bien sûr, mais il est aussi garant de l'application. Et c'est ça le plus difficile puisque les valeurs on peut en parler, mais il faut aussi les incarner.

©2023_ Gilles Piel
Eve :
Avez-vous une anecdote à partager ?

Maya :
A l’AFMD, on organise énormément d'événements parfois en présentiel et je suis effarée du manque de lieux accessibles pour les personnes à mobilité réduite.
Je visite des dizaines de lieux par an et il y en a à peine une poignée qui sont réellement accessibles pour les personnes en fauteuil. Parfois, le lieu est conforme « réglementairement » mais avec des parcours qui font peur : passer par une entrée « livraison », utiliser le monte-charge pour accéder à un auditorium…C'est assez déchirant que les personnes qui accueillent le public n’en soient pas conscientes et ne nous préviennent pas.
Je me souviens que pour un afterwork de l’AFMD, les organisateurs ne m'ont pas prévenue qu'il n'y avait pas d'ascenseur alors que l’événement avait lieu au 6ième étage. Il a fallu appeler deux participants pour leur dire qu’ils ne pouvaient pas venir.
Les personnes en fauteuil sont souvent exclues des événements de networking à cause de cela.

Je m'interroge aussi énormément sur les process de recrutement et d'intégration. Dans ces process, on met en place un accompagnement avec des documents. Et cet accompagnement est très « valido-centré », si je puis dire.
Et je ne dis pas que c'est facile, parce que moi-même j'ai dû le faire pour l’AFMD et j'ai trouvé ça extrêmement difficile. Je m’interroge sur la prise en compte de tous les handicap dans le process de recrutement et d’intégration (dépôt de candidature, entretien, exercice, test de personnalité…). Alors que l’onboarding, c'est l'une des politiques majeures des RH dans les grandes entreprises !

Eve :
Avez-vous d’autres conseils ou bonnes idées à partager pour une intégration réussie ?

Maya :
Je trouve le système "Quels collègues êtes-vous ?" de Tell me the truffe vraiment intéressant Il s’agit d’un outil pour tisser du lien entre les collaborateurs. Il en existe un sur le handicap et un sur l'orientation sexuelle.
Il s’agit d’un dispositif de sensibilisation qui a été testé par énormément de collaborateurs, de plus en plus d'entreprises le font. Cela permet d'avoir un cadre pour tout le monde. Chaque salarié a un profil personnalisé en fonction de son attitude et de ses réflexes face à des situations concrètes. Cela permet de se demander quel type de collègue sommes-nous. Et je trouve que c'est très responsabilisant. Cela permet aussi de se poser la question de l'accompagnement d'une personne en situation de handicap dans sa prise de poste, dans l'intégration dans les réunions, dans la répartition des missions. Je trouve que c'est assez bien et ça oblige à mobiliser aussi des personnes qui n'ont pas forcément de handicap.

Eve :
Est-ce que vous avez un message à faire passer sur le handicap au travail ?

Maya :
Le message que j'ai à faire passer, c'est qu’il suffit de peu de chose pour ne pas exclure.

« Conférence Agir, s’engager, former : quels essentiels pour un monde du travail inclusif »

©2023_ Gilles Piel

Notre programme de formation pour changer le regard des managers sur le handicap.