Pour développer un sentiment d’appartenance, un collaborateur doit pouvoir s’identifier à une équipe ou une entreprise. Cette adhésion, mélange de sentiment d’utilité et de solidarité, est un indicateur puissant du sentiment d’appartenance. Le collaborateur trouvera ainsi un sens à son action, sera plus performant et plus fidèle. Des actions doivent être menées pour contribuer au développement de ce sentiment d’appartenance. Ne l’étudier que sous l’angle de la communication
n’est pas suffisant. La communication seule ne permettra jamais d’installer un sentiment d’appartenance sur la durée : elle ne constitue pas la démarche, elle l’accompagne.
Gagner l’intérêt, la loyauté ou la fierté d’un collaborateur par un bon niveau de rémunération est une croyance répandue, mais erronée. En fait, en France, l’appartenance et la motivation sont peu reliées à la rémunération. En effet, un collaborateur qui considère ne pas être suffisamment payé finira par quitter l’entreprise. Celui qui considère être correctement payé ne voit que la juste rétribution de son travail et son salaire n’a alors que peu d’impact sur son degré de fidélité.
Le sentiment d’appartenance ne peut donc relever ni d’une stratégie de communication ni d’une rémunération supposée motivante. C’est un acte managérial et RH majeur qui doit faire partie de la stratégie d’entreprise et impliquer la direction.
Le mot « communauté » a longtemps été utilisé dans une dimension politique et sociologique avec souvent un aspect négatif où on l’associe à une forme de repli et d’isolement. On évoque les dangers du communautarisme.
Aujourd’hui pourtant la notion a évolué et des parallèles beaucoup plus positifs peuvent être évoqués. Nous sommes dans notre vie courante confrontés très souvent à des communautés avec lesquelles nous entretenons des relations plus ou moins fortes. Par exemple, on peut chercher un restaurant sur la base des avis sur Tripadvisor. Il est possible d’être mis en relation avec une communauté pour la plupart des besoins ou activités.
Pour lutter contre ce que Pierre Chapignac appelle « l'obsolescence de l'institution », il faut stimuler les échanges au sein de l’entreprise, encourager l’esprit d’équipe et l’innovation et faire de la solidarité et du partage des valeurs revendiquées, ceci afin d’encourager la naissance d’un sentiment d’appartenance chez les collaborateurs pour les fidéliser et éviter de voir s’échapper les talents à la recherche de nouvelles aventures. La génération Z, en particulier, volage et indépendante, doit être
courtisée en insistant sur le social, l’esprit d’équipe et le partage. N’hésitez pas à aller lire notre article de décryptage de la génération Z. Pour cela, les communautés de travail peuvent être particulièrement bénéfiques.
Dans une entreprise, en tant que groupe informel, les communautés ne sont pas visibles sur l’organigramme ; elles vivent en coexistence avec l’organisation. Les communautés de travail existent pourtant depuis longtemps. On peut citer par exemple les compagnons dans les domaines de l’artisanat et de l’industrie. Aujourd’hui, les réseaux sociaux encouragent leur développement grâce à la culture de la collaboration et de l’intelligence collective qu’ils ont générée.
Le développement d’une communauté en entreprise permet de s’affranchir des normes liées à la hiérarchie organisationnelle. Tous les membres y sont égaux et autonomes. Leurs initiatives sont au cœur de son fonctionnement. En permettant la rencontre et l’échange de collaborateurs occupant des postes dans tous les services de l’entreprise, une communauté de travail permet le décloisonnement des services de l’entreprise et le partage de connaissances."Les gens ne se parlent
pas tant que ça. Ceux qui sont sur un projet ou sur une technologie ne savent pas forcément ce que font leurs collègues un étage en dessous, voire dans l';open space d'à côté", constate Frédéric Thomas, directeur technique d'Oodrive dans L'Usine Nouvelle. Pour lutter contre ce cloisonnement des services et stimuler l'intelligence collective, l'entreprise a mis en place des rencontres trimestrielles, sur la base du volontariat, durant lesquelles les différentes équipes viennent présenter leurs projets
en cours.
Il y a communauté dès qu’il y a un engagement libre et volontaire dans sa construction et son animation, qu’elle est caractérisée par une identité commune (ici ce serait plutôt une affinité ou des intérêts communs), que ses membres sont liés par un sentiment d’appartenance, qu’il n’y a pas de hiérarchie mais une autonomie des membres qui endossent des rôles, que sa cohésion se fait par le respect de normes communément acceptées et qu’elle met à disposition de ses membres des ressources partagées. Ces caractéristiques peuvent toutes avoir un poids différent selon les communautés, ce qui permet de distinguer plusieurs types de communautés : La communauté d’intérêt : Son existence est liée au partage d’un point ou intérêt commun. Les personnes réunies autour de ce sujet partagent des informations et connaissances autour de ce sujet : les apiculteurs échangent sur le soin des abeilles, les responsables clients partagent des bonnes pratiques autour de la relation client ou de la gestion de projet, etc. Parce que c’est une communauté qui peut être un peu éloignée de l’activité principale de l’entreprise, elle peut être un terreau fertile pour l’émergence d’idées innovantes comme l’AMAP d’entreprise par exemple.
La communauté d’apprentissage : Elle est le cœur d’un partage de connaissances et favorise l’apprentissage et le développement des compétences. On peut y partager ses bonnes pratiques, les nouveaux outils qui peuvent servir à tel métier, etc. Les apprenants peuvent être réunis avec un objectif pédagogique et un système de parrainage peut être mis en place. Les collaborateurs comptent sur les compétences des uns et des autres pour apprendre.
La communauté d’action : Elle porte un projet, un objectif à réaliser, une volonté de transformation qui réunit un groupe de personnes qui collaborent pour atteindre ces objectifs. Par exemple, des collaborateurs peuvent se réunir pour mettre en place un service qui a été proposé dans la boîte à
idées.
Ces types de communauté ne sont pas exclusifs et une communauté d’entreprise peut être les trois à la fois. Chacun demande un niveau d’engagement de plus en plus élevé de la part des participants. Le défi principal va être de sensibiliser les collaborateurs à la conviction que le travail et la réflexion en
groupe génèrent de la valeur et de les motiver à construire cette valeur. La pérennité et l’efficacité d’une communauté dépendent de nombreux facteurs et surtout des
individus qui la composent. Le simple fait d’avoir des intérêts communs avec les autres membres ne fait pas de quelqu’un un membre d’une communauté. Il doit y avoir un engagement volontaire qui sera effectif si chacun y trouve son propre intérêt. Alors pourquoi rejoindre une communauté ? On
peut rechercher une relation sociale avec les autres membres, voire une forme de reconnaissance sociale : être membre d’une communauté est valorisant, et être reconnu dans cette communauté pour ce qu’on lui apporte l’est d’autant plus. On peut aussi chercher à accroître sa performance professionnelle : ce que l’on peut apprendre grâce à la communauté est différent du savoir que nous transmettent les formations proposées par les entreprises. Enfin on peut compter sur un élément de
motivation bien connu des community managers : la réciprocité anticipée, ou le don contre don. Je contribue à la communauté dans l’espoir que d’autres en feront de même.
La vie d’un membre d’une communauté va passer par plusieurs stades : observateur (il s’informe sur son fonctionnement, les normes officielles et officieuses, l’attitude et le rôle des autres membres), débutant dans ses contributions, habitué voire leader, retraité (il se désengage progressivement).
Les membres d’une communauté vont avoir différents rôles : les porteurs de l’initiative qui créent la communauté, le community manager (animateur de la communauté) qui organise, impulse la dynamique et joue le rôle de modérateur, le membre passif qui consomme l’information sans y contribuer, le membre actif qui contribue à la communauté en interagissant avec les autres membres et en partageant des informations, le leader qui fait grandir la communauté et organise sa promotion par des actions.
Le secret de la réussite c’est de permettre à la communauté de trouver spontanément et volontairement ce qui la fédère et de la laisser se l’approprier. L’entreprise doit préparer le terrain, mettre en place des conditions favorables à son développement puis laisser une complète autonomie à ses employés. Les collaborateurs impliqués dans une communauté doivent avoir le soutien de leur responsable, qui ne doit pas voir cela comme une sorte de hobby sur le temps de travail. Les résultats ne seront pas immédiats mais sont certains. Schneider Electric, qui met en avant une organisation avec 110 communautés de pratique, l’a bien compris et a intégré dans la fiche de poste du manager la compétence d’animation de communautés. Les DRH et le service de formation doivent intégrer cette forme d’organisation dans l’ensemble des processus existants en encourageant, par exemple, la mise en place d’un système de parrainage pour l’apprentissage de l’anglais, comme Natixis est en train de le mettre en place. Une participation active dans une communauté offre un apprentissage plus efficace que d’autres modalités de formation plus classiques et plus coûteuses.
Les communautés en entreprise sont des mines d’opportunités pour une entreprise. C’est aussi un terreau fertile pour le développement des compétences et l’innovation, libérés des processus internes parfois lourds. Chez Renault, une collaboratrice a été récompensée par sa direction pour son implication au sein d’une communauté de pratiques parce que son activité aurait « participé au rapprochement des cultures de Nissan et de Renault ». La communauté de pratiques a donc
concouru au succès d’une fusion d’entreprise : l’enjeu dépasse largement le chantier du partage d’informations.
L'entreprise a toutes les chances de révolutionner sa gestion des compétences (de la découverte des talents au développement des potentiels), liant ainsi stratégie de capital humain et performance.
Contribuer à la collectivité par son expertise rend possible l’accomplissement et le développement personnel, des mots chers en particulier à la génération Z. Ces communautés de partage permettent aux collaborateurs de pouvoir accompagner et être accompagné. Chez Schneider Electric, par exemple, une communauté réunissant 150 acheteurs et adossée au réseau social interne Spice promet que « aucune question posée ne [restera] plus de 24 heures sans réponse ». Le Knowledge Management Officer de Schneider précise : « l'harmonisation des pratiques est nécessaire à la compétitivité ». Pour compléter l’échange de contenus dans le flux, un « espace de stockage associé au réseau social » pérennise leur disponibilité. Benoît Sarazin, ancien directeur marketing chez Hewlett-Packard, et aujourd’hui consultant en innovation, évoque « le mariage improbable entre deux cultures radicalement opposées. Dans l’entreprise, on suit les ordres de la hiérarchie. On sert les intérêts de l’entreprise, de son département ou de sa propre carrière. On se plie aux règles et processus établis. Dans la communauté, personne n’a d’autorité sur personne. On partage avec les autres de manière désintéressée, sans rien attendre en retour. Les seules règles sont celles de la passion et de la liberté. » Un management basé sur la confiance, le partage et la reconnaissance incite chaque salarié, qui a le sentiment de contribuer à l’effort commun et éprouve de la fierté dans son travail et son entreprise, à respecter et à soutenir sa hiérarchie : l’existence d’une communauté de pratique permet ainsi d’instaurer un climat de confiance et joue également le rôle d’un lieu de socialisation. Le travail collaboratif, puisqu’il permet de réaliser en commun des tâches en mutualisant les
connaissances et les compétences de plusieurs personnes, développe le sentiment d’appartenance.
Dans Éloge du retard de l’entreprise. Comment en faire un avantage compétitif ?, Dominique Turcq, fondateur de l’Institut Boostzone, déclare : « Le retard, c’est l’occasion de rajeunir et de se réinventer, c’est aussi l’occasion de s’accepter et de rebondir. Sous cet angle, le rôle du dirigeant est de faire lever les barrières aux mélanges d’idées et aux initiatives nouvelles. Cette modernité et cette convivialité vont permettre à l’entreprise de devenir une communauté. »
Selon l’analyse de Nicolas Colin et d’Henri Verdier, dans leur ouvrage L’Age de la Multitude, l’objectif d’une entreprise est de créer de la valeur et celle-ci se trouve aujourd’hui notamment dans les contributions de la multitude, plus spécifiquement dans les communautés d’innovation et de partage des connaissances qui émergent et sont non seulement agiles mais mettent également le sens, la durabilité et l’impact social avant la recherche du profit.
Les membres des communautés accumulent un réservoir d’idées et de connaissances qui s’enrichit constamment et que l’on appelle le « surplus créatif ». Les employés d’une entreprise qui ont accès à ces communautés ont accès à ce réservoir d’idées. Chez Salomon, certains produits phares comme la chaussure Sense sont nés parce que les membres d’une petite équipe de passionnés – athlète, ingénieur, podologue, designer – étaient connectés à la communauté des passionnés de leur domaine et ont puisé dans le surplus créatif. Ils ont pris les meilleures idées dans chaque domaine et les ont combinées pour aboutir à une innovation inédite. Ce surplus créatif est riche et en outre peu onéreux : sa gestion n’est pas à la charge de l’entreprise, c’est la communauté qui le gère. Il suffit
simplement que l’entreprise facilite les échanges informels entre les membres de la communauté et qu’elle leur donne du temps.
Des informations auxquelles la direction d’une entreprise n’aurait pas pu avoir accès ailleurs peuvent remonter des échanges entre les membres des communautés de travail.
Ecoutez votre communauté.